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Affaire « Willy Sagnol », il ne faut jamais mélanger football et politique

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Dimanche 6 juillet 2006,  stade olympique de Berlin, l’équipe de France de football affronte sa meilleure ennemie, l’Italie. On joue la 103e minute, Willy Sagnol, arrière latéral de son état, réussi un centre parfait pour Zidane qui, seul au premier poteau, ajuste une tête sous la barre transversale, mais le grand Gianluigi Buffon réussit la parade parfaite, sauvant son équipe du K.O.

La suite, le monde entier la connaît: le meilleur joueur de la planète, peut-être de la décennie, perd le contrôle de son match, « pète un gros coup de boule » dans le thorax de Materazzi et la France s’incline finalement «aux tirs au but». Le football est une tragédie dont l’histoire ne retient généralement que les gagnants. Si Zidane avait marqué sur le centre de Sagnol, l’équipe de France aurait glané sa deuxième étoile sur le maillot et la République aurait fait des vingt-trois acteurs des idoles nationales au même titre que la joyeuse bande d’Aimé Jacquet en 98. Mais la France a perdu et Willy Sagnol n’a pas été auréolé de la gloire qu’il aurait mérité.

Willy-Sagnol-Wallpaper
Willy Sagnol, ancien capitaine de Bayern Munich

Huit ans plus  tard, Willy Sagnol est devenu entraineur des Girondins de Bordeaux. Dans un entretien accordé pour Sud Ouest, le lundi 3 novembre, il se penche sur les qualités techniques et physiques des joueurs d’origine africaine. Il prononce ces quelques lignes qui vont lui valoir une lapidation médiatique en place publique : « L’avantage du joueur typique africain, c’est qu’il n’est pas cher quand on le prend, c’est un joueur prêt au combat généralement, qu’on peut qualifier de puissant sur un terrain. Mais le foot, ce n’est pas que ça. Le foot, c’est aussi de la technique, de l’intelligence, de la discipline. »

Une semaine après les propos d’un technicien du football, qu’une horde de journalistes enragés et haineux a pris pour une incitation au racisme, Willy Sagnol s’effondre en larme après le deuxième but de son joueur d’origine africaine.

La presse jubile, le matraquage médiatique est réussi. L’homme craque, il pleure. Mieux que des excuses, ils l’auront mis à genou.

De cette histoire qui montre, pour ceux qui en doutaient, que la machine médiatique peut détruire n’importe qui, n’importe quand. Il faut surtout retenir l’arrogance d’un certain nombre de journalistes et de personnalités publiques qui oublient qu’avant d’être un sport, le football est un combat dont les joueurs sont les gladiateurs. Ce qui justifie d’ailleurs les sommes colossales qui sont nécessaires pour les entretenir.

Le football « est un monde dans le Monde » qui a ses codes et ses usages et qui ne sont généralement pas compatibles avec la politique.

Pas de racisme dans le football, mais parfois des mots déplacés.

Thierry Roland, Jean-Michel Larqué et Jacques Chirac
Thierry Roland,  Jacques Chirac et Jean Michel Larqué

Le 22 juin  1986, quart de finale de coupe du Monde entre l’Argentine et l’Angleterre au stade Azteca de Mexico, Diego Armando Maradona marque de la main le premier but de la rencontre. L’arbitre tunisien, Monsieur Ali Bennarceur, l’accorde, la « main de Dieu » est née. Au même moment, Thierry Roland commente le match en tribune, pour la première chaine française et interroge Jean Michel Larqué: « Honnêtement Jean Michel, ne croyez-vous pas qu’il y a autre chose qu’un arbitre tunisien pour arbitrer un match de cette importance ? ». Quelques semaines après cette réflexion, il tentera de se rattraper en expliquant ne pas être raciste car il employait une femme de ménage d’origine tunisienne.

Quelques années après cette passe d’armes, en juin 2002, la France dispute un match amical face à la Corée du Sud, organisateur de la Coupe du monde qui doit démarrer quelques jours plus tard. Thierry Roland se lâche de nouveau sur les antennes de TF1 et de ce pauvre Jean Michel Larqué qui n’en demandait pas temps ;  «Il n’y a rien qui ressemble plus à un Coréen qu’un autre Coréen, surtout habillé en footballeurs. Ils font tous à peu près 1,70 m à 1,75m, ils sont tous bruns, sauf le gardien».

Racisme ordinaire ou chauvinisme à la française, on ne le saura jamais ; puisque celui qui a commenté plus de 1 300 matchs à la télévision française est décédé en 2012, laissant derrière lui sa passion pour le ballon rond. « Passion », le terme est d’ailleurs un peu faible pour qualifier le sentiment qu’éprouvait Thierry Roland à l’égard du football. C’est à lui que l’on doit la tirade suivant « L’équipe de France est championne du monde, vous le croyez ça ? Je crois qu’après avoir vu ça, on peut mourir tranquille. Enfin le plus tard possible. Ha c’est superbe ! Quel pied ! À quel pied, oh putain ! Oh lalalala, oh c’est pas vrai !», prononcé le soir du 12 juillet 1998, lorsque l’équipe de France remporta le seul et unique titre de champion du monde de son histoire. Dans cette équipe de France, il y avait des blancs, des Arabes et des noirs, à l’unisson de leur nation. L’expression, la plus belle de la génération « black, blanc, beur ».

Pouvait-il autant aimer cette équipe de France s’il était vraiment raciste ?

Personnellement j’en doute, simplement, politique et football sont des mondes qui ne se comprennent pas…

 

Le Championnat de France et les joueurs africains, une histoire d’amour

Sagnol s’est fait mettre au pilori par une flopée de journalistes qui ne connaissent rien au football. Tout simplement parce que d’un point de vue footballistique il a raison de dire qu’il y a beaucoup de joueurs d’origine africaine dans le championnat de France.

C’est en effet le fruit de la politique de recrutement qui est menée par les clubs de Ligue 1 depuis le milieu des années 90. Dès la saison 1996-1997, l’UEFA met un terme aux quotas de joueurs étrangers au sein des équipes professionnelles qui peuvent donc recruter autant de joueurs communautaires qu’elles le souhaitent. Les années qui suivent voient les effectifs se diversifier autant qu’ils s’étoffent.

Les clubs, qui possédaient en moyenne 20,15 joueurs dans leur effectif professionnel en 1980, en possèdent 23,65 lors de la saison 2000/2001 et le pourcentage de joueurs français évoluant en Ligue 1 se stabilise aux alentours de 60%. Les joueurs africains arrivent de plus en plus nombreux dans les clubs de l’élite française et passent même devant les Européens.

En 2010, la part des joueurs africains est très clairement majoritaire parmi les joueurs étrangers. Le nombre de joueurs provenant d’Amérique latine reste plus ou moins stable à l’instar de celui des joueurs français. Cependant,  la présence des joueurs africains dans le Championnat de France n’est pas seulement une volonté du marché tricolore qui faisait principalement ses emplettes en Afrique subsaharienne et au Maghreb en raison du faible coût des joueurs et de leur capacité d’adaptation plus rapide. C’est aussi la conséquence d’une politique menée par les centres de formation des clubs de Ligue 1 depuis le début des années 90 qui consiste à  privilégier les joueurs athlétiques aux joueurs techniques.

À cet égard, l’actuel numéro 27 du PSG, le très talentueux Javier Pastore a été recalé par le centre de formation de l’Association Sportive de Saint-Étienne en novembre 2006 car il était trop frêle et pas assez guerrier pour supporter les températures négatives du Forez. Il y en a des dizaines d’autres qui n’ont pas retenu l’attention des clubs français. Antoine Griezmann, par exemple, est passé par le centre de formation de l’Olympique Lyonnais avant de se faire « remercier » à quinze ans et de rejoindre les rangs de la Real Sociedad avec le succès que l’on connaît aujourd’hui.

Sagnol n’est pas raciste, c’est simplement un  professionnel du football qui a dit tout haut ce que beaucoup de gens pensent tout bas et qui dénonce la politique des clubs de Ligue 1 qui privilégie les joueurs physiques – qui sont souvent des joueurs d’origine africaine – aux joueurs plus techniques – qui sont souvent  des joueurs d’origine européenne. Voilà ce qui lui a valu ce défoulement médiatique : une politique qui consiste  à cogner d’abord et à discuter ensuite .

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