Coups de Coeur

Le disque du mois #3 – L’innocence retrouvé d’Etienne Daho

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Etienne Daho – Disque du mois de Novembre 2013

Déjà. Le mois de novembre touche à sa fin et bientôt les premiers flocons viendront cristalliser notre pensée dans le brouillard hivernal. Cette fois-ci encore, la tâche de dégager un album parmi la pléiade de bonnes galettes qui sont sorties ce mois-ci, ne fut pas aisée.
On aurait pu rendre hommage aux rappeurs Marseillais d’IAM, à leur lyrisme, à leur extraordinaire carrière qui s’achève plus ou moins avec la sortie de la deuxième partie d’Art Martial, dernier disque enregistré avec la maison  Universal Music. C’est tout un pan du rap français qui tire plus ou moins sa révérence, ça ne laisse pas indifférent…
On aurait pu aussi décider de vous parler du deuxième album de Discodeine, une vraie petite bombe pour les amateurs de techno froide et compulsive. Duo breton atypique sur lequel on vous conseille vraiment de vous pencher si vous êtes restés bloqués à Détroit dans les années 80. En effet si vous rêvez encore à la gloire passée de Juan Atkins et de Derrick May, alors l’album Swimmer est fait pour vous.
Finalement, notre naturelle  mélancolie automnale a été définitivement plus sensible à la douce poésie que nous a chanté Etienne Daho en ce mois de novembre 2013.
Un seizième album, et c’est presque comme un gamin que l’on retrouve l’ami Étienne,  le titre « les chansons de l’innocence retrouvée », mais l’a-t’il déjà perdu ?

Pochette de l'album Mythomane, première album de Daho, sortie en 81.
Pochette de l’album Mythomane, première album de Daho, sortie en 81.

Depuis son premier album « Mythomane » en 1981, le Rennais surprend son auditoire, et met de la fraîcheur dans ses notes. Il le fait voyager au gré des vents et tempêtes, au gré des villes et pays. C’est comme une histoire qu’il vous souffle au creux de l’oreille avant de vous endormir. Il nous parle d’amour, il nous parle de soleil, de voyage en Italie et de filles. Voilà pourquoi on aime Daho, pour ses sons chauds et dansants qui vous glissent dans les oreilles comme une cuillère de miel vous ravie les papilles et vous soulage un mal de gorge.

Mais résumer Daho à un simple pique-nique champêtre serait une insulte à celui qui est considéré par beaucoup, nous y compris, comme l’inventeur de la pop française. Le papa de toute une génération d’artistes qui se considèrent comme ses enfants. De Saint-Michel à Aline en passant par Lescop ou Baden Baden  ils ont été influencés par Daho et ils ont largement bien fait, car en matière de pop, personne n’a jamais fait mieux. Le véritable génie de Daho c’est d’avoir réussi à faire de la chanson française un air qui se fredonne. La mélodie devient alors une première langue maîtrisée, sans accent, sans manière.  Daho, c’est aussi une image cultivée avec soin, celle d’un dandy intemporel, un Bryan Ferry à la française comme le prouve son dernier clip « la peau dure », histoire d’amour perdu puis retrouvé, finalement assez classique pour une chanson pop.

Etienne Daho est à la pop ce que Bashung est à la chanson française, là où le second cultivait la poésie de ses textes, le premier cultive ses mélodies. Ce nouvel opus est encore une fois une réussite musicale incontestable, un modèle du genre. Aidé par son complice et ami Jean-Louis Pierot, il a sûrement produit l’un de ses meilleurs albums, de la justesse des notes à la beauté du texte. C’est un album automnal, un peu paradoxal, qui se veut froid et majestueux, mais qui n’inspire pourtant que la joie et la danse.  C’est sûrement par amour pour le cinéma que Daho a toujours eu tendance à vouloir tailler ses morceaux pour le grand écran. À l’image de l’excellent « premier jour du reste de ta vie », bande originale du film éponyme, on retrouve quelques perles conçus clairement pour le 7e art et notamment « l’homme qui marche » et « onze mille vierges » deux petites histoires à première vue banales mais qui, tissées par la grandeur des violons, deviennent l’apothéose d’une aventure qui prend tout son sens lorsque la musique s’arrête.
http://www.youtube.com/watch?v=zozond-gKdQ
Puis il y a le reste de l’album, mêlant sexualité malsaine, dance ivre, et pop suave. C’est beau et coloré, avec quelques grands moments de chanson française, notamment dans « les torrents défendus » balade légère et musicalité des mots ; des rimes riches qui donnent l’impression d’écouter un poème d’Apollinaire avec les lignes de basses de Sting à la grande époque de Police, alors forcément ça ne laisse pas indifférent.

On peut aussi vous citer « l’étrangère »,  grand moment musical, qui remet au goût du jour ce trip-hop troublé et extrêmement flou que maîtrisait parfaitement Massive Attack à leurs débuts. Mais avec une mélodie made in Daho  en plus qui rend le morceau parfaitement addictif.

Album bilan et sans bile,  Les Chansons de l’innocence retrouvée, renoue parfois curieusement avec l’esprit débridé de Mythomane, le soulagement d’être devenu un homme en plus – tout en s’offrant de purs fantasmes post-ado, comme inviter Debbie Harry pour un duo chaud ou convier la guitare adorée de Nile Rodgers, là où il accueillait autrefois l’idole Jacno.

De 1981 à 2013, finalement il n’y a qu’un trait d’union dans la carrière du grand Etienne Daho, une vie pour certains, une journée pour d’autres. Assurément l’innocence il ne l’a jamais perdu et c’est pour ça qu’on l’aime.
Si vous voulez voir Daho sur scène, ce qu’on vous conseille vivement, il y a 54 dates programmées en France qui ont été décalées pour des raisons de santé, qui commenceront donc à partir du mois de janvier. Au milieu de cette abondance vous trouverez forcément chaussure à votre pied, en tout cas on vous le souhaite.

Notre dernier disque du mois ?

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