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J’ai croisé Sébastien Tellier

Sebastien Tellier Ruda Cabral l'aventura
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C’est généralement le week-end qu’il se passe plein de trucs. Au hasard d’une soirée, j’ai croisé Sébastien Tellier. Panama sur la tête, lunettes de soleil sur les yeux, et verre de rosé à la main, il fêtait son dernier album en toute simplicité. Il était assez impressionnant derrière sa grosse barbe, complètement planqué du monde extérieur. Sa musique est un univers à part, et lui même se met à part du monde qui l’entoure. Tellier donc, ce grand gourou musicien avec qui je discute.

 

Tellier donc, ce grand gourou musicien avec qui je discute.

J’adore sa musique. La Ritournelle est quand même un morceau que tout le monde a en tête, même sans savoir qu’il l’a composé. On l’entend dans des tas de pubs, elle sert de jingle. C’est un peu le privilège des grands artistes, je veux dire, de pouvoir supporter l’usure du temps ; surtout que le temps ne fait pas de cadeau. Et finalement, même si on sait reconnaitre leurs œuvres sans connaitre leur nom, c’est qu’ils ont déjà gagné. Tellier pour moi, c’est un peu ça ; et face à moi il était déjà en terrain conquis. Il m’explique son inspiration brésilienne, et plaisante sur le nom de L’Aventura. Ça sonne un peu Stone & Charden, passons. L’Aventura, c’est une sorte de voyage dans l’Amérique latine, vers un Eldorado mythique et délicieux. Tout ça est très coloré. Tout ça est lié à l’amour, à la jeunesse, et à la naïveté de l’enfance. La vie de Tellier quoi. Car il faut bien se le dire, c’est un mec qui n’a pas grandi. C’est encore un enfant, qui balance des vannes sérieuses et se met à rire aux éclats.

L’ambiance bossanova déstabilise un peu les habitués de l’électro-classicisme des premiers albums, mais revient un tout petit peu, à l’image de son premier amour ; on est bercés tout au long de l’aventure qu’il nous propose. Ça commence par un Love instrumental qui installe l’ambiance, Sous les rayons du soleil permet de se réchauffer un peu (car tout n’est qu’amour et érotisme chez lui, faut-il seulement le rappeler), puis on tombe dans les problèmes de l’adolescence avec Ricky l’adolescent, assez percutant, déstabilisant et très électronique. On finit par une espèce de renaissance avec L’enfant vert. Transformation réussi et encore une fois, une preuve que l’homme sait s’adapter.

Quand il me demande quel morceau je préfère, je réponds sans hésiter : « Ricky ! Dedans il y a tout ce qu’il faut. » Il se met à rire : « Je pensais pas que ça plairait. Je l’ai mis dedans un peu pour me faire plaisir, il arrive à un moment où on l’attend pas. » Et il a pas tort. Pourtant, c’est un beau conteur le Sébastien. Tous ces albums nous font voir des mythes imaginaires : Sexuality et la recherche de l’amour, My God is Blue se penche sur la religion. Avec celui-ci, on prend le bateau pour le Brésil, et danser toute la nuit avec de belles nanas sur la plage d’Ipanema, entre deux chasses aux trésors aztèques. C’était une discussion vraiment très bizarre, mais il n’est pas allé jusqu’à me parler des sujets qu’il balance généralement en interview. Je n’ai donc pas eu droit à l’explication de la vie des Hommes avec la parabole des saumons qui remontent la rivière, ou l’intelligence extraordinaire des cailloux puisque je cite : « Ils sont là depuis plus longtemps que nous, donc c’est qu’ils ont su s’adapter ».

On a passé une très bonne soirée. Avant de partir, il chante quelques débuts de morceaux (l’alcool est passé par là), et fredonne la musique que je garderai en tête pour tout le reste de la nuit : « Tous les soirs sans fin, je trainais sur ma Vespa, dans mon gilet de satin, c’était la Dolce Vita… ». Le problème de Tellier, c’est qu’il n’a pas que des tubes alors qu’il pourrait facilement faire douze morceaux fabuleux ; alors on se dit que l’irrégularité est le fardeau des génies. Génie ou poète ? Plutôt poète. Je me souviens qu’il avait raconté, un jour, sa déception d’apprendre que c’était le métro, en passant, qui faisait bouger les murs de sa maison quand il était enfant, et pas « un grand dragon ». Un gosse qui s’invente des histoires, je vous dis…

(Crédit photo : Ruda Cabral)

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1 comment

Quentin Dupieux : L’Oizo surréaliste de la réalité 14/09/2015 at 05:34

[…] de la chose. Son premier film, en réalité un court-métrage dans lequel on retrouve Kavinsky et Sébastien Tellier dans les rôles principaux s’appelle, à juste titre, Non-film. Pendant 45 minutes, vous […]

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