« Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit » Article 19 – Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (1948).
Vaste est le débat qui naît aujourd’hui de l’interprétation du geste de la quenelle, geste créé – repris ? – par l’humoriste Dieudonné il y a une dizaine d’années. Le développement qui va suivre n’a pas pour objectif de subodorer l’interprétation exacte de ce geste mais plutôt de comprendre pourquoi il est actuellement un sujet national.
On peut trouver sur le net des vidéos de quenelles antérieures au début de la carrière humoristique de Dieudonné. Sont-elles aussi ambigües que les quenelles de Dieudonné? Vont-elles faire l’objet d’une fatwa nationale? La réponse sera bien évidemment négative car elles n’intéressent personne.
En outre, la quenelle « made by Dieudo » existe depuis une dizaine d’années. Dix années où les quenelliers, certes moins nombreux qu’aujourd’hui, ont pu s’adonner à leur pratique en toute sérénité loin des attaques haineuses et discriminatoires dont ils font l’objet aujourd’hui. Que s’est-il donc passé pour qu’en l’espace de quelques mois l’existence de la quenelle passe du calme à la tempête? Avez-vous vu en 2012 ne serait-ce qu’une simple attaque sur ce geste? Vous n’en trouverez pas car l’élément déclencheur de cette médiatisation diffamatoire se situe en 2013.
La première attaque officielle a été lancée par Alain Jakubowicz, Président de la LICRA, dans un courrier adressé au Ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, en date du 9 septembre 2013 ; courrier publié et relayé dans les médias par la suite. M. Jakubowicz déplore à cet endroit la quenelle effectuée par deux chasseurs alpins devant une synagogue. Il qualifie ainsi la quenelle de « salut nazi inversé signifiant la sodomisation des victimes de la Shoah ». Ce sont ses mots.
La boîte de Pandore est pour ainsi dire ouverte. L’huile est jetée sur le feu. La reprise médiatique de la quenelle va aller dans le sens du Président de la LICRA et non dans celui de l’humoriste. Depuis cette date, nous assistons donc à une montée en puissance des attaques à l’encontre de ce geste auparavant inconnu du grand public. Que de publicité pour l’humoriste Dieudonné me direz-vous ! Oui et non. Si le succès de l’humoriste est grandissant auprès de toutes les classes sociales et tranches d’âge de la population, le gouvernement ne le voit toutefois pas d’un bon œil : Manuel Valls en est venu à envisager par des moyens juridiques l’interdiction des spectacles de l’intéressé. Mais comme l’explique très bien Maître Gardères sur France 24, l’annonce faite par le Ministre de l’Intérieur montre bien son impuissance à trouver ces fameux moyens juridiques, sous-entendant par là que ceux-ci seraient déjà mis en place s’il y avait matière.
Ces faits permettent de constater l’opportunité de l’interprétation du geste de la quenelle faite par l’ensemble des grands médias. Dieudonné fait l’objet depuis plusieurs années d’un boycott médiatique pour certains de ses sketchs considérés comme racistes ou antisémites. Or, le succès grandissant de l’humoriste passant de moins en moins inaperçu, il devenait difficile de le camoufler. La communauté médiatique, le gouvernement et les associations antiracistes ne pouvaient, à leur sens, laisser cette situation ainsi. La surmédiatisation diffamatoire du comique est alors apparue via la quenelle.
Cette affaire, ce phénomène, conduit à une vraie réflexion sur la liberté d’expression et la pratique de la censure. Les sketchs de Dieudonné et la quenelle entrent-ils dans les dispositions de l’article 19 de la DUDH ou même des articles 10 et 11 de la DDHC ? Mais la démarche de questionnement juridique doit-elle intervenir aussi tôt ? Qui peut juger de ce qui est drôle ou de ce qui est raciste ? A l’instar de Pierre Desproges, ne devrions-nous pas plutôt nous demander si l’on peut rire de tout ? Sa réponse était certainement salutaire : oui, mais pas avec n’importe qui. Oblige-t-on les indiens à assister aux sketchs sur les indiens, aux arabes sur les arabes, aux juifs sur les juifs ?
Avant de lancer toutes sortes d’attaques verbales, physiques ou judiciaires, les intéressés devraient adopter une démarche montaignienne et se demander si ce qu’il se dit d’un côté se confirme également de l’autre. Le doute n’est pas lâche ni la prise de position obligatoire. Seule la réflexion sur ce qui nous entoure compte. Personne n’a l’apanage de la raison ni du rire. Ces quelques lignes apparemment logiques et ne pouvant être contredites par toute personne de bon sens, il est probable que certains aient des intérêts dans la fin de carrière de l’humoriste Dieudonné. Qui ? Pourquoi ? On déborde sur un autre débat qui sort du sujet traité par cet article…