Coups de Coeur

(Livre) Hôtel Koral d’Anthony Pastor.

Partager cet article

Étrange objet de bande dessinée non identifié que cet Hôtel Koral d’Anthony Pastor. Une succession d’images en couleur, hyper-réalistes (deux par page), autour d’un hôtel sans charme où débarquent une jeune femme et un couple de vieux. Mais, comme dans un conte pour enfant —une légère comptine enfantine inaugure chaque chapitre— il y a du refoulé derrière la netteté quasi-photographique des vignettes. Un passé atroce a existé avant que ne s’érige cet hôtel, et la jeune femme est là pour chercher les éventuels survivants du massacre afin de rendre publiques les horreurs d’une récente et sombre guerre civile. Avec pour seule arme un polaroïd. C’est l’un des rares indices que l’on a pour tenter de dater la bande dessinée : fin des années 1990? D’un point de vue esthétique en tout cas, le polaroid renvoie au statut de chaque image, à la précision hyperréaliste du dessin et au caractère faussement instantané de leur composition.
Comme chez David Lynch, le présent trop lisse cache des aspérités enfouies. On apprend ce qui s’est réellement passé, mais on ne le voit pas, on ne le comprend pas et les rares témoins de l’épisode sont soit traumatisés, soit mutiques. La plupart d’ailleurs sont mort. Et la jeunesse n’en a que faire, préférant l’insouciance des petits larcins et des combines minables aux grands questions politiques. À moins que…

 

À moins que la jeune femme, fille de l’entrepreneur Vargas qui reconstruit le quartier dévasté où a été érigé l’hôtel moderne, ne se raconte des histoires, comme son père aimait à lui mentir. À moins que ce cauchemar sous-jacent soit un pur produit du délire du lecteur ou des personnages… Comme chez David Lynch, il est difficile de discerner ce qui est de l’ordre du réel et ce qui est de l’ordre du fantasme. Sommes-nous dans un monde réel ou ne suivons nous plutôt pas une histoire de bruit et de fureur? La jeune femme veut-elle vraiment connaître la vérité ou a-t-elle besoin de s’en prendre à son père pour vraiment exister.Hotel-Koral

Hôtel Koral est un récit mystérieux, pleins de vides qu’il faut combler entre deux images saisies sur le vif et étrangze par leur douteuse clarté. Un mystère bien épais: on referme le bouquin avec plein de questions et une grande surprise pour un style graphique plutôt original par rapport aux canons actuels— si canon il peut y avoir— de la bande dessinée contemporaine. (J’entends par là que le choix surprenant d’un hyper-réalisme plutôt que d’un trait plus relâché et libre est suffisamment rare dans les productions alternatives pour être remarqué. Ce qui n’enlève rien aux apports et attraits du graphisme plus relâché).

Related posts

David LaChapelle, Sergei Polunin – Take Me To Church

Theo

Média – Les filles à suivre sur Instagram #1

Hurluberlu et ses ami(e)s

Cinéma – lorsque la jeunesse inspire

Bizolle